Marché des grains La pluie détend les esprits
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Les prix s’affaissent en blé et en orge mais ils continuent de grimper en colza dans la perspective d’un bilan très tendu.
La tension baisse en blé sur le marché français
Les pluies qui viennent juste d’arriver sur l’ouest de l’Union européenne (UE) et les perspectives de précipitations pour le reste de l’UE et la zone de la mer Noire ont été les bienvenues. Toutefois, certains dégâts sont désormais irréparables. Nous venons par exemple de réviser en nette baisse la prévision de la récolte roumaine de blé et la production russe aura sans doute du mal à dépasser les 80 millions de tonnes.
Cependant, le retour de l’humidité a largement été salué par les marchés que ce soit à Chicago, sur Euronext ou sur les places physiques de l’Europe et de la mer Noire. Les prix du blé ont donc diminué cette semaine et le retrait a concerné les valeurs de la nouvelle récolte principalement.
Le blé de la récolte de 2020 vaut 179,5 €/t rendu Rouen, après avoir abandonné presque 10 €/t depuis la semaine dernière.
Le blé rendu La Pallice vaut 180,5 €/t (–10,5 €/t). Les cotations de l’ancienne campagne ont suivi mais plus doucement, perdant 5 €/t environ (à 188,25 €/t rendu Rouen et 187 €/t à La Pallice, en base juillet).
Sur Euronext, l’échéance de mai se situe à 195,5 €/t à l’heure d’écrire ces lignes, soit une baisse de 2 €/t par rapport à vendredi dernier.
Des prix de blé russe en baisse
Si le retour des pluies est l’élément marquant de la semaine, il n’est pas le seul à avoir calmé les esprits. En Russie, une sorte d’emballement a débuté la semaine dernière (du 20 au 26 avril 2020) et a continué pendant le week-end. Plusieurs compagnies se sont ruées sur le quota ouvert par le gouvernement pour l’exportation de la période d’avril à juin (7 millions de tonnes tous grains) au point que la totalité du quota ouvert est déjà attribuée. Cela a pu laisser croire à une énorme demande face à laquelle le quota existant serait insuffisant.
En fait, il apparaît surtout que certains opérateurs ont accaparé beaucoup plus de licences d’exportation que leur besoin réel alors que d’autres firmes manquent de certificats. La saga n’est pas terminée et des réallocations vont sûrement avoir lieu. Ce rush a pu faire croire à une demande d’exportation très supérieure à la réalité, alors qu’il n’en était rien. Bien entendu, les exportations de blé russe resteront soutenus sur les derniers mois de la campagne. Cependant, on ressent une baisse de tension à l’heure actuelle avec le début du Ramadan (et donc des besoins du Proche-Orient en baisse) et la faiblesse de la demande intérieure russe en raison de la pandémie Covid-19.
Ainsi les prix mer Noire se sont aussi affaissés aussi cette semaine, lâchant 3 $/t, que ce soit pour les blés meuniers ou fourragers de la récolte de 2019.
Pas de changement en revanche pour les valeurs russes de la nouvelle campagne : à 201 $/t Fob pour les blés à 12,5 % de protéines, les blés russes représentent pour l’instant une sorte de plancher pour les blés français.
Du côté des affaires, la Sago, l’office d’importation de l’Arabie Saoudite a bouclé lundi 27 avril 2020 un achat pour 655 000 tonnes à charger sur juillet-août. En plus de cet achat, la Sago a aussi acheté 60 000 tonnes de blé, probablement ukrainien, via des investisseurs saoudiens présents en Ukraine. Cet achat rentre dans le cadre de la volonté affichée par la Sago de rapatrier au moins 300 000 tonnes de blé via ses intérêts à l’étranger.
L’Éthiopie vient de recevoir des offres pour un volume de 400 000 tonnes.
Détente aussi en orge
L’arrivée des pluies a influencé aussi le prix des orges fourragères qui chutent de 4 €/t en ancienne récolte (à 148 €/t rendu Rouen, base juillet) et de 6,5 €/t en nouvelle récolte, à 156,5 €/t.
Comme pour le blé, la baisse est plus prononcée pour les orges de la nouvelle récolte. Le niveau des importations de l’Arabie Saoudite pose des questions pour les importations sur l’ancienne campagne. Les volumes achetés sont encore loin d’être reflétés par les chargements en cours (que ce soit au départ de la mer Noire et de l’Argentine). Il se pourrait donc que le pays soit plus affecté qu’on ne l’a estimé auparavant par l’impact de la pandémie et la suppression des manifestations religieuses.
Sur le créneau brassicole, à la suite des pluies, les prix abandonnent de 2 à 3 €/t, à 162 €/t pour les orges d’hiver et 168,5 €/t pour les orges de printemps Fob Creil en nouvelle récolte.
Le maïs plonge aux États-Unis mais reste de marbre en France
Le marché du maïs est resté assez stable dans l’Hexagone cette semaine, les prix ayant même plutôt légèrement grimpé, au contraire des autres céréales.
Le maïs Fob Rhin se situe à 163 €/t (base juillet, +1 €/t) pour l’ancienne récolte (162,25 €/t pour le maïs Fob Bordeaux). Les prix français ont été soutenus par la mise en place attendue du droit à l’importation de 5,27 €/t après la forte chute des prix US au cours de la semaine du 20 avril 2020. Ce droit ne va pas bouleverser la situation européenne. Même avec ce droit, les maïs sud-américains vont rester très attractifs durant les mois à venir et les importations de l’UE devraient donc rester importantes.
Néanmoins, nous nous situons désormais dans un territoire où le droit d’importation peut vite augmenter en cas de nouvelle baisse des prix sur le marché mondial. Cela pourrait donc entraîner le report de certains achats, les opérateurs préférant ne pas prendre de risque.
Nous mentionnions la semaine dernière l’annonce de l’étude par l’Ukraine d’une possible mise en place d’un quota pour ses exportations de maïs de la fin de campagne. Cette mesure a été abandonnée au début de la semaine par le gouvernement ukrainien face à l’ampleur des quantités de maïs restant encore à vendre au départ de ce pays. Les prix ukrainiens se sont d’ailleurs affaissés de 3 $/t cette semaine, poussés vers le bas par le nouveau plongeon des prix US (–12 $/t) dans un contexte de demande très fade du côté de l’éthanol et d’un bon commencement des semis pour la récolte de 2020.
Le soja reste bas
On constate peu de changement des prix du soja cette semaine. Le prix du soja US reste encore historiquement faible et s’établit à 310 $/t pour l’échéance de mai 2020 sur le marché de Chicago au 30 avril (+2 $/t sur une semaine). Son prix monte aussi légèrement sur la nouvelle campagne, à 313 $/t sur novembre 2020 (+1 $/t).
Les cours du soja avaient fortement rebondi à la fin de mars sous l’effet de la remontée des prix des huiles et faisant suite aux inquiétudes liées aux perturbations logistiques en Amérique du Sud (difficultés d’organisation liées à la pandémie et très bas niveau des eaux sur le Paraná). Plusieurs facteurs baissiers sont ensuite venus peser sur la fève au début d’avril pour gommer ces gains.
Les prix ont été fortement lestés par la dégringolade du prix des tourteaux, particulièrement aux États-Unis, où de bonnes disponibilités conjuguées à un fort ralentissement de la demande animale ont accentué ce phénomène.
Par ailleurs, la marchandise américaine a été pénalisée par la faible demande à l’exportation. Elle est restée fortement concurrencée par les origines sud-américaines sur le débouché chinois qui a été très demandeur en soja brésilien.
Par ailleurs, la crise sanitaire du Covid-19 continue de perturber les flux et le fonctionnement des usines agroalimentaires. Les opérateurs font preuve de prudence dans ce contexte de récession économique mondiale qui fait craindre une diminution de la consommation de viande et de la demande animale en tourteaux.
Donald Trump vient d’ordonner cette semaine que les abattoirs américains restent ouverts (beaucoup avaient fermé par manque de personnel à cause de la crise sanitaire). Cela est venu redonner un peu de couleur aux prix en fin de semaine mais la situation reste très délicate.
Les tourteaux de soja ont abandonné 5 $/t Chicago cette semaine, à 313 $/t. Ils ont aussi régressé de 15 €/t en France, à Montoir. Ils ont été tirés vers le bas par les inquiétudes concernant le secteur animal.
Le colza en hausse
Le colza a gagné 10 €/t cette semaine, à 380 €/t Fob Moselle. Il poursuit une tendance au rebondissement entamée au début d’avril, soutenu par l’épuisement des disponibilités dans plusieurs régions du monde, et par le risque climatique accru auxquelles sont exposées les cultures de colza dans l’UE et en mer Noire.
Les marges de trituration ne sont pourtant pas très bonnes. Elles laissent à penser que l’activité de trituration sera faible sur les derniers mois de la campagne. Néanmoins, la transformation industrielle est restée dynamique jusqu’au mois de mars afin de couvrir les besoins en huile de colza de l’UE. Cela entraîne une nette réduction des stocks de colza européens en fin de campagne malgré la hausse des importations.
Par ailleurs, après la période sèche du mois d’avril 2020 et des dégâts de gelée par endroits, les perspectives de production en 2020 se dégradent encore. La situation s’annonce très tendue pour 2020-21 et cela tire aussi les prix. Pas de changement pour le tournesol par rapport à la semaine dernière dans un contexte où les pluies qui arrivent sont les bienvenues pour les semis.
À suivre : pluviométrie en Europe et dans la zone de la mer Noire (blé, orge, maïs, colza, tournesol), évolution des droits d’importation du maïs, achats de soja US par la Chine, prix du baril de pétrole, semis en Amérique du Nord (soja et canola)
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